M. Jean Margat

International Hydrology Prize 2008
Prix International d'Hydrologie 2008

 
Jean MARGAT



 
Presentation of the International Prize 2008 at UNESCO Headquarters on June 10.
From left to right : Andras Szöllösi Nagy (UNESCO), Arthur Askew (IAHS), Jean Margat and Gabriel Arduino (WMO)


Citation by Arthur Askew, IAHS President

C'est toujours un grand plaisir et un grand honneur de décerner le Prix international d'hydrologie. Cette année ce plaisir et cet honneur sont plus grands encore car le prix revient à Jean Margat, un homme qui a été à la pointe de la théorie et de la pratique de l'hydrologie pendant plus de soixante ans.

J'espère qu'il me pardonnera si je parle de lui comme d'un père de l'hydrogéologie puisqu'après tout il est né en 1924. Bien que chargé d'années, sa pensée n'a pas vieilli et c'est toujours avec le même enthousiasme qu'il promeut l'importance et l'étude des eaux souterraines, qu'il a quelquefois qualifiées de "ressource cachée".

Jean Margat est né à Paris et c'est en 1946, après des études à la Sorbonne, qu'il obtient le grade de Licencié ès Sciences, après quoi il entreprendra de nouvelles études, à l'Ecole nationale supérieure de Géologie de Nancy, d'où il sortira Ingénieur géologue un an plus tard.

Comme nombre de ses compatriotes, il passera une grande partie du début de sa carrière en Afrique du Nord. Pendant 14 ans, il étudiera les eaux souterraines du Maroc, publiant ses résultats de recherche et travaillant à l'exploitation rationnelle de ces précieuses ressources. Il retournera en France pour travailler à Orléans au Bureau de recherches géologiques et minières, que nous connaissons tous sous son acronyme de BRGM. C'est là qu'il entrepris de créer le département d'hydrogéologie quÕil dirigera pendant 10 ans. Cela lui donna l'occasion d'appliquer l'expérience gagnée au Maroc en entreprenant la cartographie hydrogéologique de la France. Il était rentré "à la maison" mais il a maintenu son intérêt pour les affaires internationales par des travaux avec le PNUD, la FAO et lÕUNESCO.

En 1972 il devient Directeur adjoint du BRGM, un poste qu'il occupera pendant 17 ans, totalisant ainsi 27 ans au service de cet organisme. Pendant cette période, il entreprendra de nombreuses missions, apportant sa vaste expérience à des pays aussi divers que la Bolivie, la Libye, l'Arabie Saoudite et le Mali pour n'en citer que quelques uns dans une longue liste, le fil conducteur étant son intért pour les régions arides.

Il a aussi été actif en Europe et à participé à l'établissement du premier inventaire européen de sites de dépôts de déchets nucléaires. En France il lance la revue "Hydrogéologie" et en devient le rédacteur en chef, et il sera un des principaux artisans de la définition d'une méthodologie d'évaluation des ressources en eau nationales.

Formellement, on peut noter que Jean Margat est parti en retraite en 1989 à l'âge de 65 ans, mais la notion de retraite n'a pas vraiment de signification pour un homme comme lui. Ainsi il a non seulement gardé des liens avec son ancien employeur en tant que Conseiller du BRGM, mais s'est lancé dans de nouveaux projets, le plus connu d'entre eux étant le "Plan bleu pour la Méditerranée", projet issu du PNUE et basé à Sophia Antipolis près de Nice dans le Sud de la France, dont il fut le Vice-Président. Il a également poursuivi ses activités de par le monde en tant que consultant de divers organismes tels que la Banque Mondiale, l'UNESCO, le PNUD et la FAO, son intérêt se portant principalement sur la cartographie et l'évaluation des ressources en eau souterraine ainsi que sur la terminologie. On doit en particulier faire mention de son active participation à l'établissement de la Carte hydrogéologique internationale de l'Afrique au 1 :5.000.000 et de la Carte hydrogéologique du Monde au 1 :25.000.000 récemment publiée par l'AIH et l'UNESCO.

L'AISH n'est pas la première à reconnaître l'apport de Jean Margat à la science et à la pratique hydrologique. En 1961 déjà il reçut le Prix Henri Milon de la Société Hydrotechnique de France. Vingt ans plus tard il se vit décerner le Prix Louis Barrabé de la Société géologique de France. Il devient en 1998 membre honoraire de l'Association internationale des hydrogéologues qui deux ans plus tard lui décerne le Prix du Président.

Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de notre estimé collègue mais le manque de temps me force à me limiter à une brève incursion hors de sa vie professionnelle - pour dire un mot d'une femme pour laquelle il a toujours manifesté un grand intérêt. Elle vit à Paris dans un palais et est âgée d'environ 500 ans. Elle n'est autre que la Joconde, que beaucoup d'entre vous connaissent sous le nom de Mona Lisa. Jean Margat est le créateur de la Jocondologie - et il est l'auteur d'un traité de Jocondoclastie. Depuis sa maison près d'Orléans, Jean Margat préside la Société des amis de la Joconde, un club très sérieux d'amis collectionneurs de joconderies, se réunissant de temps en temps autour d'un repas à Paris où ils discutent et comparent leurs trouvailles. Tout celà pour vous assurer que le lauréat de notre prix est un homme aux multiples talents et dont la vie est bien remplie.

Il existe aussi deux autres raisons pour lesquelles il nous est particulièrement agréable de décerner le Prix international d'hydrologie à Jean Margat :

  • D'abord il est français et compte tenu des liens très forts que l'AISH et la France entretiennent depuis toujours, il est surprenant qu'il ne soit que le second fils de ce grand pays à recevoir le Prix ; le premier était un autre Jean, le regretté Jean Rodier, un grand ami de beaucoup d'entre nous, qui reçut le Prix en 1985.
  • Deuxièmement cette remise montre bien que le Prix est décerné à ceux qui ont fourni d'importantes contributions à l'hydrologie au niveau international et pas seulement dans le cadre de l'AISH. Jean Margat a beaucoup publié dans nos "Livres rouges" (18 articles) et on lui doit deux articles dans le "Journal des Sciences Hydrologiques" et s'il est membre de notre section française, il n'a jamais eu de responsabilité au niveau de l'Association. Il a par contre été un personnage central de notre Association sœur, l'Association Internationale des hydrogéologues, dont il fut Vice Président et dont il présida pendant de longues années la section franaise. Cela revêt une signification particulière sachant que la prochaine Assemblée scientifique de l'AISH se tiendra en Inde à Hyderabad en Septembre 2009, conjointement avec le 37e Congrès de l'AIH.

J'ai parlé au début des eaux souterraines comme dÕune "ressource cachée". Jean Margat a consacré sa vie à découvrir cette ressource et à faire connaître son existence au Monde, à la cartographier, à l'évaluer, à l'exploiter judicieusement et à la protéger. C'est un homme plein d'expérience à l'esprit toujours en éveil, de petite taille, mais un géant dans son domaine, reconnu à travers le Monde comme l'un des pères de l'hydrogéologie moderne. C'est pour cette raison que, avec l'UNESCO et l'OMM, l'AISH est heureuse de lui décerner le Prix international d'hydrologie pour l'année 2008.


It is always a great pleasure and honour to award the International Hydrology Prize. This year the pleasure and honour are heightened because the prize goes to one who has been a leader in the science and practice of hydrology for more than 60 years: Jean Margat.

I hope he will forgive me if I refer to him as one of the grand old men of hydrogeology - after all he was born in 1924. But while he may be old in years, he is certainly not old in spirit and he is now as keen as ever he was to promote the importance and study of groundwater Ð the "hidden resource" as it is sometimes called.

Jean Margat was born in Paris, studied at the Sorbonne and with a Licence ès Sciences in 1946 after which he undertook further studies at the Ecole Nationale Supérieure de Géologie in Nancy, qualifying a year later as a geological engineer.

As with so many of his compatriots, he spent much of his early professional life in North Africa. For 14 years he studied the underground waters of Morocco, publishing his findings and working for the rational development of these precious resources. He then returned to France to work in Orléans for the Bureau de recherches géologiques et minières, which we all know as BRGM. There he took on the challenge of founding the Hydrogeology Department which he then headed for the next 10 years. This gave him the opportunity to apply the experience he had gained in Morocco to launch hydrogeological mapping in France. He was now "back home", but he maintained his international interests with work for UNDP, FAO and UNESCO.

In 1972 he was promoted to Deputy Director of BRGM, a post that he held for the following 17 years, completing a total of 27 years with the Bureau. During this period he undertook numerous missions bringing his expertise to countries as diverse as Bolivia, Libya, Saudi Arabia and Mali - to quote only four from a very long list. The one common thread was his interest in arid regions.

He was also active within Europe and helped to compile the first European inventory of sites for nuclear waste disposal. Within France he launched and became Chief Editor of a new journal "Hydrogéologie" and was a key figure in establishing a methodology for the national water resource assessment.

Formally, we can record that Jean Margat retired in 1989 at the age of 65, but retirement has no real meaning to a man like Jean. So he not only retained a link with his old firm as an adviser to BRGM, but started a whole range of new projects, the most well-known being the launch the Plan Bleu for the Mediterranean: a UNEP project based in Sophia-Antipolis near Nice in the South of France, where he held the post of Vice-President. He maintained his world-wide contacts as a consultant for such bodies as the World Bank, UNESCO, UNDP and FAO - his focus being on the mapping and assessment of groundwater resources and on terminology. Particular mention may be made of his close involvement in work on the 1:5,000,000 International Groundwater Map of Africa and the 1:25,000,000 map of the Groundwater Resources of the World published by IAH and UNESCO as recently as 2007.

IAHS is not the first body to recognise the great contribution that Jean Margat has made to the science and practice of hydrology. As far back as 1961 he received the Henri Milon Prize of the Société Hydrotechnique de France. Twenty years later he was awarded the Louis Barrabé Prize of the Société Géologique de France. In 1998 he was made an Honorary Member of the International Association of Hydrogeologists (IAH) which, two years ago, awarded him its President's Prize.

There is much more that one could say about our esteemed colleague but lack of time forces me to limit myself to just one brief excursion outside his professional life - to mention a very special woman for whom he has always harboured a great interest. She lives in a palace in Paris and is some - 500 years old. She is of course none other than La Gioconda, known to many as the Mona Lisa. Jean Margat is recognized as the inventor of the term Jocondologie - or is it truer to say Jocondoclastie - an important element in the bizarre. From his home near Orléans Jean presides over the Friends of Mona Lisa, a club of serious collectors of Giocondiana: friends who get together once in a while for a convivial lunch in Paris where they discuss and compare their collections. Which all goes to assure us that our prize winner is a man of diverse talents and one who lives a full and active life.

There are two extra reasons why it is a particular pleasure to award the International Hydrology Prize to Jean Margat:

Firstly: he is a Frenchman and, given the strong links that IAHS has had with France over the years, it is surprising that he is only the second son of this great country to receive the Prize; the first being another Jean: the late Jean Rodier, a good friend to many of us who was awarded the Prize back in 1985.

Secondly: it helps to demonstrate that the Prize is awarded to those who have made major contributions to hydrology at international level and not just to IAHS. Over the years, Jean has published extensively in our Red Books (18 papers) and twice in the Hydrological Sciences Journal, but he has never held office in the Association. He has, on the other hand, been a central figure in the life of our sister Association, IAH, of which he has served as Vice-President and was for many years President of the French Chapter. This is particularly significant, given that the next Scientific Assembly of IAHS will be held in September 2009 in Hyderabad, India in conjunction with the 37th Congress of IAH.

At the start I referred to groundwater as the "hidden resource". Jean Margat has made it his life's mission to discover that resource and make its presence known to the world: to map it, to assess it, to develop it wisely and to protect it. He is a man old in years but young in spirit, small in stature, but a giant in his chosen field, who is recognized throughout the world as one of the fathers of modern hydrogeology. It is for this reason that, together with UNESCO and WMO, the Association is pleased to award him the International Hydrology Prize for 2008.


La réponse de Jean Margat

La surprise - la bonne surprise - que m'a fait l'annonce de Pierre Hubert n'est pas encore atténuée, et si j'apprécie l'extrême honneur de cette distinction, je ne suis pas sûr de la mériter quand je pense aux éminentes personnalités dont je rejoins la compagnie : du professeur Tison à Jean Rodier, de Malin Falkenmark à Igor Shiklomanov, dont je ne crois pas approcher la pointure... C'est peut-être une prime d'endurance plus qu'une récompense d'exploits particuliers.

Naturellement je suis particulièrement sensible et heureux que ce prix soit pour la première fois décerné à un hydrogéologue... J'y vois un signe positif du progrès du décloisonnement entre les sciences du cycle de l'eau, lié à une meilleure vision de l'interdépendance entre les eaux superficielles et les eaux souterraines et je n'ai aucun mérite à l'avoir compris dès mes débuts professionnels dans la zone aride présaharienne du Maroc, où cela sautait aux yeux...

J'ai pourtant souvent rencontré des incompréhensions à ce sujet et vérifié des exemples de ce que Nace puis Llamas ont justement épinglé du nom d'hydroschizophrénie. Aussi ai-je été particulièrement satisfait d'avoir milité avec succès pour que les statistiques mondiales des ressources en eau de la FAO (Base AQUASTAT) éliminent désormais tout double compte.

En tout cas, ce que j'ai le plus appris plus d'un demi-siècle d'études et de recherches sur l'eau, c'est qu'elles sont d'abord une œuvre collective et interdisciplinaire, aussi je voudrais associer à l'honneur qui m'échoit les inombrables collègues et complices avec lesquels j'ai fait équipe...

Alors un grand merci à l'AISH, à l'OMM et à l'UNESCO pour cet encouragement à persévérer...


I have still not yet recovered from the surprise - a wonderful surprise - at being told by Pierre Hubert that I was to be awarded the International Hydrology Prize and, while I very much appreciate this great honour and distinction, I am not sure that I merit it when I think of the eminent people whose company I now join: from Professor Tison to Jean Rodier, from Malin Falkenmark to Igor Shiklomanov, and whose standing I do not see myself even approaching. In my case, it is perhaps a reward for survival more than for what I have done.

Naturally, I am particularly appreciative of the fact that, for the first time, the Prize is being awarded to a hydrogeologist. I see this as a positive sign of progress in breaking down the barriers between the sciences of the water cycle, linked to an improved appreciation of the interdependence between surface and ground water. I claim no credit for having understood this from the very start of my professional life because, in the arid zone of presaharian Morocco, the evidence was there before my very eyes.

Nevertheless, I have often met with misunderstanding on this subject and have checked some cases that Ray Nace and later Ramón Llamas have justly focussed on in the name of "hydroschizophrenia". I have also been particularly satisfied at the success I have achieved in fighting to eliminate all future double counting in the global statistics of water resources of FAO (AQUASTAT).

In any case, what I have learnt most from more than half a century of study and research in water is that these are above all collective and interdisciplinary efforts. Therefore, with the honour that been bestowed on me, I would like to associate those innumerable colleagues and collaborators with whom I have worked over the years. Thus I offer my grateful thanks to IAHS, and to UNESCO and WMO, for this encouragement to persevere.


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